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21 août 2007 2 21 /08 /août /2007 07:49

Poussière d’étoiles

5 heures. Ce matin comme tous les autres matins je me lève, descends l’escalier, ouvre la porte de la salle à manger, gros câlin au chien, le sortir…la routine.

La lumière jaillit dans la cuisine.

-Hou ! Une petite araignée noire…

Suspendue au rebord de la fenêtre la huit pattes, déroutée, se fige abandonnant subrepticement son travail de dentelle nimbée de gouttes de rosée. Toutes deux un instant semblons nous observer.
- araignée du matin : chagrin. J'en avais bien besoin !

Nonchalante, je contemple le lever du soleil, le ciel rougeoyant…. sur la ramille d’un buisson touffu : sombre et noir, un oiseau. 

Mon reflet se fond dans la vitre, je n’y perçois que deux yeux noyés de fatigue, tristes, éperdus dans un reste de brume nocturne où persiste un soupçon d’angoisse.

Lentement, tout en douceur,  ma main vient caresser du bout des doigts les fines rides qui entourent mes yeux :

- elles sont les lignes de mon histoire. Me dis–je  dans un murmure.

L’autre main, inerte, s’oublie le long du corps : tragédie d'une main désœuvrée...

Hier encore, cette même main s'accrochait joyeusement au bras d'une tendre dame, c'était un temps heureux : reposant sur le bras aimé, elle peignait de mille riens le temps et l'espace, tissant inlassablement sa toile de liens secrets. Telle cet oiseau, l'autre, impatiente, volait dans le ciel : désignant, interrogeant. Possessive et caressante elle s'immobilisait sur l'aïeule vénérée qui à son tour enserrait de la sienne la menotte amoureusement abandonnée. La main grandit : conquérante elle étendit son empire. En ces temps bénis, plus de craintes, de peurs…
Vacances de Pâques, de Noël : saisons de bonheur…

Un triste soir de septembre les mains noueuses, striées de veines bleutées, de la vieille dame reposèrent croisées à tout jamais. La faucheuse infâme emmura dans ses abysses infinis nos cœurs incandescents.

La mort est un bien cruel état pour celui qui reste, celui qui ne part pas. Savais-tu à quel point je t’aimais ? Je l’espère. Si souvent je t’ai retrouvée la nuit dans mes rêves : l’intervalle entre les rêves et la réalité est si éphémère, difficile souvent de s’y retrouver, de faire la part des choses ...

- Que ne donnerai-je pour retrouver le chemin du passé ! Tel un magicien empêcher la coupure du fil ténu de ta vie, ton souffle de s’évanouir, ne fut-ce qu’en cet  instant fatidique parfaire, ensemble, la route : tenir ta main, laisser nos yeux, nos coeurs parler... être là pour te dire : « adieu ».

Un chat. L’oiseau frémissant s’envole…Moi ? Moi, je reste figée devant cette fenêtre.
Mon ego s’y pose les mille et une questions de la vie : le bien, le mal.  La vie, la mort…
Quelles raisons d’être aux épreuves de la vie ? Les souffrances ne peuvent être inutiles !
Jour après jour ces cortèges sans fin charriés d’infamies : guerres, famines, déportations, expulsions ! Des enfants violés, mutilés, assassinés. Le sol souillé, la terre profanée, désenchantée ; tous ces crimes immondes perpétués au nom du pouvoir et de l’argent : dieu intemporel de la luxure. En dehors de cette triste réalité y’a-t-il réellement un « Dieu » ?
Une philosophie, une religion digne de ce seing ? Adam. Eve. Fûtes-vous notre genèse ? Cruelle punition que d’avoir laisser le libre arbitre à « l’homme » manifestement inapte à le déterminer…Comment terminerons nous ? Oubli ou éternel recommencement ?...Questions sans fin, sans réponses : lancinantes, exaspérantes.

Une vie après la mort ? Humm, tentant cette idée de te retrouver…J’arriverai : désincarnée, à la rencontre de mes aïeux, parée de mes ailes blanches, éclatantes de fraîcheur, nimbée d’une lumière dorée, éblouissante. L’ivresse embrase nos âmes enfin réunies, un bonheur sans pareil nous soulève. Ronde joyeuse, éternelle d’êtres fusionnés. A nouveau un !

Le chat quitte le jardin. De ses coussinets de velours il étouffe ses pas. Souple panthère noire miniaturisée.  Désabusé il s’éloigne lentement, frôle désintéressé, un jeune merle affolé.
Le monstre parti le jardin voit réapparaître ses hôtes ailés.

ÿ

Souvent, du bout des rêves, je me prends à imaginer qu'une main, délicatement, se glisse dans la mienne. Tendrement sans rien dire : mains enlacées, … aucun gestes, ni mots inutiles, il viendrait simplement comme le soleil sur un jour nouveau …

Folie que tout ça !

Allons secouons-nous ! Des pensées plus matérielles sont à l’ordre du jour ! D’abord : le café. Ensuite…

La sonnerie du téléphone retentit frénétiquement. Cœur battant je l’écoute déchirer le silence qui subitement semble prendre contenance ! Tremblante je saisis l’appareil

-         oui

-         cabinet du Dr.Gap. Nous avons les derniers résultats de vos examens.
Quand désirez-vous un rendez-vous ?

-         ….

-         Demain 15heures, cela vous convient-il ?

 

*

J’ai un couteau enfoncé dans le cœur et chaque seconde qui s’écoule voit pénétrer plus profondément la lame : froide, inexorable, sans espoir de cicatrisation. Je me brise sous le flux des sentiments qui m’inonde, de la rage impuissante qui m’anime !

Sous le regard indifférent des passants, les larmes inondent mon visage : incontrôlables, incontrôlées. Elles me brûlent. La fièvre me gagne : mon sang bat mes tempes.
Cogne mon cœur oui cogne ! Crie ta douleur, l’injustice t’étouffe, alors fait éclater le carcan, ce torrent de larmes semblable aux volcans qui grondent et se déchaînent, crachant lave et langue de feu n’est que la marque d’un brûlant désespoir… Mon menton tremble et l’émotion transperce, j’ai beau serrer les dents, balayer l’horizon du regard : rien n’y fait. Mon cœur est englué, serré dans un étau et mes lentes inspirations se terminent en de lamentables soupirs qui m’arrachent l’âme au lieu de me redonner contenance.

A 15 heures précise,  j’arrivais au cabinet du Dr Gap. Là, dans ce froid bureau aux murs blafards, sans appel ni espoir de retour,  tel un couperet le verdict est tombé : condamnée, condamnée à mort ! Voracement, cellule par cellule, un abject mal me dévore !...

 Froidement, d’une voix blanche, le médecin m’en a avisé :

-         3 ? Peut-être 4 mois … un an.

Tout dépendra de l’évolution de la maladie, chaque jour la médecine progresse…

La quatrième dimension, je viens d’entrer dans la quatrième dimension : c’est un cauchemar !
Je vais me réveiller c’est certain, au petit matin j’en rirai …

-         …nous mettrons tout en œuvre pour vous aider…

…Madame! …Voulez-vous un verre d’eau ? Quelqu’un vous accompagne ?

-         Non, non merci. (ma voix tremble, les mots, les sons sifflent, s’étranglent d’entre mes dents serrées qui s’entrechoquent)

-         Ma secrétaire va vous fixer un nouveau rendez-vous, je vous recommande de suivre dès à présent ce nouveau traitement, il retardera l’évolution de la maladie...

Sans réelle conscience, perdue, je me retrouve dans la rue. Me bousculant, un gamin me contraint à reprendre pied avec la réalité. Le poids, le sens des mots m’envahissent soudain. Non c’est impossible, pas maintenant, pas déjà ! Je suis jeune, en pleine force de l’âge : ma peau est fraîche et mes yeux clairs ont encore tant et tant à découvrir, de cieux nouveaux à explorer, il est trop tôt pour l’enfer !

Mourir ! D’y penser me fait entrer en « transe » ! Une peur maladive m’affecte physiquement ! La raison m’abandonne, transie contre le mur, paralysée, terrorisée : la nausée me prend. J’entrevois le tombeau, ressens mes os glacés, balayés par les pluies froides qui envahiront bientôt mon linceul se glissant de par les interstices pourrissants du bois de mon cercueil, déjà la boue s’étale sur mes chairs en lambeau que se disputent les vers !
Les mouches, les araignées rampent sur moi, me dévorent !  Aah !… et si en plus j’en étais consciente ? Qui m’assure qu’une fois trépassée, ensevelie je ne ressentirai plus rien ?
Que mes ongles désespérés ne tenteront d’arracher, d’écarter, en vain le poids de la terre qui me recouvrira ? Dans cette nuit noire et éternelle trouverai-je la lumière ?!...

Glacée de terreur, je longe les murs. Mes jambes engourdies peinent à me supporter.

 

*

J’ai la sensation d’avoir glissé dans l’existence et de temps à autre m’être éveillée à de jolis rêves ou de vilains cauchemars ! Pour moi avenir et lendemain, désormais, sont des mots vides de sens. Je regarde ma fille jouer dans le jardin, tout l’émerveille. Elle chante, court et danse. Riant avec les papillons, elle happe de ses doigts fébriles les gracieux coléoptères: des blancs, des jaunes, des rouges, soyeuse multitude frémissante se posant sur les épis de blés, égayant les liserons et les bleuets, s’enivrant, se gorgeant de roses et de coquelicots. Mon enfant : petite fleur, enfant fleur parmi les fleurs jouant dans le chaud soleil de l’été. Mon cœur se gonfle d’amour, déjà les larmes perlent mes yeux. Je les ferme un instant. Caressant ma peau, les ardents rayons de l’astre solaire m’apaisent : je me délecte du parfum de l’herbe fraîchement coupée. Près de moi, Mick endormit ronfle doucement. Le chat lové sur ses genoux ronronne, Rodolf (le chien) s’étire paresseusement. Au loin tournent les tracteurs,
les meules de foins s’arrondissent généreusement. Tout n’est que douceur et harmonie
Tandis qu’une brise vient rafraîchir nos corps langoureusement abandonné aux délices de l’été, la radio diffuse ses chansonnettes, la météo des plages…Mon cœur se serre de penser à toutes ces destinations inconnues et tant rêvées que je ne découvrirai jamais : le Nil, la vallée des Rois, les pyramides. Mes yeux ne contempleront ni la sauvage beauté des steppes de Sibérie, ni celle des lointaines îles enchanteresses, les cocotiers… le sable chaud des pays tropicaux … La mer… j’aime la mer : ses vagues éternelles et monotones… semblables au tic-tac du réveil qui me rappelle l’inexorable instant qui se rapproche ! D’y penser les larmes me remontent aux yeux. Je reste partagée par la nécessité de poursuivre mon chemin et un sentiment de panique et d’incertitude.

Cette douleur déjà familière je la réfute, cependant, j’ai beau lutter : la bataille est perdue d’avance ! L’amertume m’envahit de n’être qu’un pion sur l’échiquier du destin. De savoir le temps du bonheur par trop éphémère m’anéanti. Il me faut l’admettre : le compte à rebours est amorcé. De combien d’heures, de minutes, de secondes puis-je encore escompter ?!...

ù

Je ne suis qu’une infime poussière d’étoile, une âme tourmentée. Toutefois, je me hasarde à rêver l’immortalité : dans mon sang ne coule t-il pas le sang de mes ancêtres ? L’un après l’autre n’avons nous transmis nos gênes ?

Vous mes enfants au plus profond de vous mêmes portez un peu de mon histoire, un jour peut-être à votre tour la transmettrez vous. Depuis l’aube des temps il en va ainsi. Ce qui me brise c’est de penser que bientôt je ne vous verrai plus grandir, rire et danser dans la lumière, vous ne vous réfugierez plus contre moi pour étouffer vos chagrins, tendrement ma main n’essuiera plus vos larmes. Qui dans vos cœurs me remplacera ? Cette idée me déchire.

Je mourrai deux fois : la première lorsque mon souffle s’évanouira dans l’espace temps, ensuite lorsque vous m’oublierez ! Néanmoins, il me faut tout mettre en œuvre pour adoucir cette séparation, être forte alors que je me brise sous le flux des sentiments qui m’emportent
et me déchirent. Tant bien que mal je pose mon masque de sérénité, dissimule mes larmes,
le mal qui me ronge, me nourris de vos baisers mouillés, me réchauffe au contact de vos petits bras qui se nouent autour de mon cou alors que vous partez dans d’infini éclats de rires qui se perdent dans l’air du temps.

ù

Il me reste à dire adieu à tout ceux, à tout ce que j’aime. J’ai besoin d’une ancre alors je projette l’encre bleue de mon stylo sur les lisses feuilles blanches, elle sera désormais le lien entre mon passé, le présent et l’avenir. Intime et discrète confidente.  Me permettant de laisser une trace, d’estomper mes peurs et mes doutes : sans honte crier de douleur et de chagrin ! Fragile, je me sens si fragile: dans une impasse…Alors que je la perds, jamais la vie ne m’a parue si belle, si précieuse et éphémère ! Je redécouvre le chaud, le froid ; mes désirs, mes peines sont exacerbés ! Que laisserai-je de moi ? De bien ? De mal ? Mon souffle a-t-il servi ? Me revient en mémoire ce jour gris et froid : quittant une réception mondaine et fastueuse nous traversions transis la ville maussade, blafarde ! Les trottoirs jonchés de papiers sales nous contraignaient à de fréquents écarts. Descendant les escaliers de l’imposant pont surplombant les rails du chemin de fer, j’aperçus trois ombres distantes. Je croisais la première au bas de l’escalier. Ni elle, ni les suivantes ne levèrent seulement les yeux.
Depuis longtemps déjà elles avaient dû oublier la couleur du ciel ! De leurs pas lourds et usés je les regardais s’éloigner pesamment, des hardes misérables ficelait leurs corps voûtés,
ils traînaient lourdement leurs fardeaux épuisants constitués de sacs et balluchons témoins de leurs infortunes ! L’une d’elle poussa infructueusement la porte cadenassée qui abhorrait le  ventre de la terre : les couloirs du métro étaient interdits d’accès ! Sans colère ni étonnement l’ombre disparut, frissonnante et recroquevillée, sous le petit crachin sporadique qui bruinait. Je fus honteuse de mes vêtements de pingouins ne provenant pourtant que de la petite confection courante mais qui en disait long sur la fatuité et l’orgueil dans un monde en dérive !
Comment se targuer d’humanité lorsque l’on ne tend plus la main pour secourir les siens ?
Ne sommes-nous tous frères et égaux ? Ce jour, ces trois ombres fugaces n’étaient ni Gaspard, ni Melchior, ni Balthazar : ce n’étaient pas les rois mages ! Pourtant il me semble qu’elles aussi cherchaient leur étoile…

Vivre. Mourir. Pourquoi ? Comment équilibrer la balance entre ceux qui ont tout, ceux qui n’ont rien ? Peut-on éradiquer l’indifférence ? Hier comme demain me semble à des années lumières. Que de temps perdu en de stériles batailles ! Tout à présent me semble dérisoire. L’arbre que j’ai planté… la vie que j’ai transmise… étais-ce judicieux ou insensé ? N’ai-je pas inutilement condamné aux affres que je traverse ces vies que j’ai égoïstement fait éclore ? Semblable à la terre craquelée qui désespère de la bise prometteuse j’aspire à la résurrection. L’une après l’autre la nuit allume des millions d’étoiles scintillantes, resplendissantes.
L’air est lourd du parfum des fleurs qui demain ne refleuriront plus… Il me faut me hâter de vivre ! J’ai peur de dormir. « Le » sablier s’égrène.

Qui sait ? Peut-être après l’ultime instant me volatiliserai-je et deviendrai-je cette fleur complice que toi quidam, cueilleras, caresseras tendrement songeant à ta bien-aimée. 
Après un tendre baiser tu m’effeuilleras : je t’aime, un peu, beaucoup…à l’infini.
Le vent un à un emportera mes pétales : loin très loin l’une de mes graines germera dans un océan de verdure : je renaîtrai et tout recommencera ! Chimères ou réalités ? … Qu’importe.  Ici ou « ailleurs » : je vous aime. C’est mon seul testament.

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J. Brel

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