La nostalgie me prend en écoutant cette chanson. Je revois une gamine de 10 ans penchée sur le fossé qui servait d'égoût.
Bravant l'interdiction ( j'ai gardé le goût de dépasser les interdits) je franchissais la limite interdite car nous n'avions pas le droit de mettre un pied sur la rue! Mais déjà à l'époque il suffisait de m'interdire quelque chose pour que je le fasse. Oh! pas trop mais un peu quand même juste pour me prouver à moi-même que je "pouvais", que "j'osais"...
Lors de ces excursions je pensais fortement à mon père, dieu qu'il me manquait! Je me disais "si" : si tu étais là! si tu n'étais pas mort!
Tu m'aimerais dit? Tu nous protègerais? Je savais tant et si peu de lui à la fois : qu'il était mort à 26 ans des suites d'une polio, qu'il restait quatre orphelins : nanard 4 ans, Vivi 3ans, Mimiche 2 ans et moi 6 mois, je savais que ses amis gardaient de lui un souvenir attendri, qu'ils évoquaient sans s'en lasser les anecdotes qui avaient illuminées leurs jeunesses, je savais que physiquement je lui ressemblais car lors du retour au village paternel c'était un concert de "mon! c'est la fille de Pierre, comme elle lui ressemble"... ma grand-mère souriait aux anges et moi je pestais d'être à chaque pas le centre d'intérêt de ce concert sans fin répété! J'aspirais au doux moment où nous rentrerions, là je pourrais jouer à Zorro, sauter par dessus le fil couvert de liseron banc et rose, grimper sur la barrière et entendre nenene me dire "mais pourquoi tu ne l'ouvres pas?"
Pourquoi? mais quel intérêt pour une jeune aventurière éprise de liberté?
Mais les vacances finies...
Je m'avançais vers ce bout de terre, ce fossé à ciel ouvert. Et je regardais l'eau qui coulait, j'imaginais (j'ai toujours eu une imagination débordante) me poser sur l'une de ces gouttes d'eau, ne disait on pas que l'eau glissait toujours vers la mer? Il me suffirait de la suivre, traverser les terres, descendre dessous, remonter et émerger près d'une côte... traverser les mers, rencontrer des poissons d'argent, des baleines, des dauphins, découvrir l'île de Robinson Crusoé et de m'y installer... chimères
Qu'est-ce que je l'ai rêvé ce père, d'autant plus que notre "beau"-"père" était une ordure de la pire espèce.
C'est ainsi qu'au fil du temps j'ai perdu la foi, un père trop tôt disparu, un monde cruel sans foi ni lois, un Dieu qui ne répond pas...
Aujourd'hui je présente une image en général souriante, révoltée certe, engagée sans nul doute. Mais derrière cette façade je me sens si fragile, j'ai la sensation d'être une plaie vivante, un morceau de terre désseché qu'un géant invisible et insensible broie à plaisir dans ses mains.
Je trouve l'existence si difficile, il faut sans cesse lutter, recommencer, se blesser. J'ai la sensation d'être un pion sur l'échiquier du destin... Tout ce que je demandais à l'existence c'était une famille, des amis... résultat? pas brillant, deux unions catastrophiques, beaucoup de connaissances mais pas vraiment d'amis, un avenir incertain...
Allez! ça ira mieux demain