Cette histoire se déroule loin ! Très loin, là-bas, dans un pays imaginaire peuplé d'êtres merveilleux, aussi extraordinaire que les elfes et les fées. Les nuages, les arbres et les montagnes y ont une vie propre et bien réelle. Les oiseaux et les rivières parlent et tout un chacun comprend l'autre : c'est une contrée magique !
Malheureusement tout n'est pas idyllique, car si tous comprennent la langue de l'autre, comme chez nous certaines paroles restent mal interprétées, et ce monde ou tout devrait être bleu abrite bien des blessures…
Chapitre I
L’elfe et la montagne
Voici la tragique histoire que m’a narrée une nuit de pleine lune mon ami le vent d’ouest qui la tenait lui-même du chant des océans chuchotées par des poissons d’argent remontant les rivières lointaines d’une terre perdue, au héron cendré qui les avait rencontré…
La montagne souffre ! Elle presse inutilement de ses doigts meurtris son flanc : une brèche s’y est creusée. Sa blessure grandit, grandit ! De cette plaie béante, l’eau, inexorablement, s’écoule entre ses doigts fiévreux. Là précisément où le petit elfe inconscient et colérique l'a frappée en plein cœur.
La montagne pleure et tel un volcan, son âme bout et fume de tous ses sentiments exacerbés qu’elle n’arrive plus à contrôler. La montagne se sent perdue, plus perdue que le plus petit des cailloux disparus au fond saillant d’un cratère sombre, froid et hostile ! …
- « Montagne ! Montagne mon amie répond moi ! ».
Soucieux, le ciel s’afflige de la peine incommensurable de son amie et s’assombrit.
- « Je t’en prie mon amie, par pitié : répond-moi ! »
Mais la montagne désespérée n’entend pas les appels de son ami le ciel. Sous sa peine incommensurable elle s’effondre et s’écroule. Dérouté par tant de chagrin le ciel se voile. Et voici que peu à peu l'azur est envahi par de sombres nuages.
Le jour finalement fait place à la nuit : la montagne saigne toujours ! L’orage gronde et zèbre cette nuit d’éclairs blancs et menaçants, troublant la sérénité de ce tranquille soir d’automne qui n’est plus. Déjà, de grosses gouttes dansent dans le vent et s’écrasent sur le sol, balayant la montagne mortifiée de ses froides rafales…
Au petit jour, le soleil brille à nouveau, souriant et bienveillant. Étirant nonchalamment ses rayons, il réchauffe la vallée. L’eau, cascade chantante, ruisselle doucement et le chant des oiseaux égaie ce tableau charmant. Inlassablement, ils dansent dans le ciel s’élevant avec grâce, saisissant un brin de paille et se posant sur une branche pour au creux d’un chêne ou d’un hêtre confier leur précieux butin pour y façonner leur nid.
- "Montagne?" Inquiet le ciel se penche vers son amie recroquevillée sur elle-même. "Montagne..." insiste t-il. Mais elle ne répond toujours pas. "Que t'arrive t-il mon amie? Parle, comment pourrais je t'aider si tu te mures dans ta peine?"
- Ô ciel! Aide moi, je sais je ne devrais pas ainsi réagir mais... j'ai si mal, si froid en dedans!
« j"ai deux maman » m'a dit et redit il y a déjà longtemps le petit elfe inconscient ! Je l’appelle aussi « maman » poursuivait-il, creusant plus profondément encore la blessure, « je trouve ça bien, ça fait plaisir à « maman ».
Tu comprends Ciel, je voudrais être digne, réagir positivement mais je pleurais en dedans, ça me faisait mal, des milliers de pioches me défoncaient le cœur, mon âme se déchirait, et le petit elfe ne se rendait pas compte de ma douleur ! Non !…Enthousiaste, le petit elfe poursuivait sur sa lancée, heureux de me raconter sa joie, son bonheur des retrouvailles et chaque fois qu’il utilisait le mot « maman » pour parler de « l"autre » me fendait le cœur ! Je restais alors stoïque ou du moins feingnais de l’être, mais je sentais le sang battre sourdement mes tympans. Je lui ai souri, Ciel..., je l'ai rassuré, j'ai fais mon devoir, mais Ciel est ce juste d'être correcte quand les autres ne le sont pas? Je suis fatiguée d’épargner les sensibilités, qui m'épargne moi? Qui se préoccupe de ce que je ressens ? Trop, c’est trop !
- Allons mon amie, tout cela est passé
- Non Ciel, la fracture s'est accentuée. J'étais malhabile, il était buté. Nous n'avons jamais réussit à établir le dialogue. Pourtant... je veux croire que le petit Elfe m'aimait... m'aime...un peu
Et à nouveau la montagne sanglote, le Ciel compatisant car il en à vu des drames sous ses cieux, se penche sur elle et l'embrasse d'un nuage de brume.
- Mon amie, ne pleure plus. Tu verras avec le temps...
- La difficulté vois tu Ciel c'est que nous n'avons pas la même vision des évènements. Le petit Elfe aujourd'hui se réfugie auprès de lui!... Il dit qu'il n'a pas de mère, plus de belle-mère, que personne ne l'aime... Ce n'est pas vrai, il se trompe. La vérité s'est qu'il a été l'objet d'une bataille acharnée. Des proches m'ont affirmés que le petit Elfe était mieux avec "lui", qu'avais-je à lui apporter. Avec "lui" il avait le confort, la sécurité. Mes montagnes soeurs pouvaient aussi veiller sur lui. Toi as tu seulement de quoi lui apporter à manger, tu es à peine logé...
Non, Ciel. Le petit Elfe se trompe! Je ne l'ai pas abandonné, je ne l'ai pas caché. J'étais perdue dans un univers où je n'existais plus.
Lorsqu'un autre petit Elfe est arrivé, il a toujours grandit avec lui. J'ai toujours et partout dit haut et fort "j'ai deux petits Elfes"... "Non, ce petit Elfe vit chez son père". Tu comprends Ciel, un juge arbitrairement m'en avait retiré la garde. Non, non : je ne buvais pas, je ne me prostituais pas, je marchais droit et pourtant, la plus grande des Montagnes ne peut rien contre la raison du plus fort. Trop de naiveté vous mette irrémédiablement en tort. S'ensuivirent des années de noires misères qui aujourd'hui perdurent encore! Je n'ai jamais pensé que nous serions ainsi séparés, sinon auprès de "l'autre" je serais restée. Le petit Elfe était ma chaire et mon sang, comment aurai-je pu envisager cet enchainement. Une fois le pied dans l'engrenage tout s'est écroulé. Comment expliquer cette période de folie débridée?
- Pourquoi, ne lui as tu pas parlé, dis ce que tu ressentais?
- C'était si difficile Ciel, lorsque nous nous sommes retrouvés. La jalousie entre les petits Elfes a éclaté. Ils voulaient chacun posséder la Montagne, moi je ne pouvais me partager. Du coup, je me suis tenue à distance et nous en fûmes tous blessés. On ne peut pas ménager la chèvre et le chou, j'ai pu le constater. Je ne voulais pas non plus dire du mal de "lui", aurai-je du dire la vérité? Ce que profondément je ressentais? Dit on aux petits Elfes les travers par lesquels on est passé?
Et puis la rancoeur a obscurci mon âme lorsque le petit Elfe est retourné chez "lui", oubliant tous ses griefs comme s'ils n'avaient jamais existé, "il" redevenait sa source de chaleur, son ancrage et je ne comprenais pas, je n'admettais pas. C'est vrai je ne fus pas à la hauteur. Mais Ciel! Comment parler avec quelqu'un qui n'a rien à vous dire, qui vous jette à la figure "je parle à qui j'ai envie"?
Aux premiers amours le petit Elfe ne rêvait plus que de se "casser". J'en étais brisée, dépitée. La colère immonde grondait en moi, je n'ai pu la controler. Elle a finit par dévaster les ruines de ce qui avait si peu été.
Et puis internet est arrivé, de temps à autre nous avons dialogué
- C'est merveilleux, tout va donc s'arranger!
- Ô Ciel, si c'était si simple, les non dits continuent à nous empoisonner, le petit Elfe continue à me reprocher tant et tant de choses qu'au fond il ne veut pas explorer. Il ne comprend pas mes réactions, mes attitudes. En a t'il seulement envie? Et puis il y a toujours des évènements "familiaux" qui contribuent à nous chavirer. Le silence à nouveau s'est instauré et je ne peux le supporter, je n'accepte pas d'être ainsi condamnée, d'être seule damnée. Ce n'est pas juste!
- Montagne que souhaite tu dire au petit Elfe?
- Je voudrais lui dire "je t'aime, je t'ai toujours aimé et je t'aimerai toujours, qu'importe l'espace, qu'importe le temps. Ton bonheur m'importe plus que tout. Je n'ai pas su être la mère que tu espérais, je n'aurais pour cela jamais aucune excuse. Je n'en cherche pas. Je ne le souhaites pas. La vie est remplie d'écueils j'espère que tu les éviteras mieux que moi. Petit Elfe ne laisse pas la haine et la rancoeur obscurcir ton coeur et tes jugements. Tourne toi vers la lumière. Même si ce fut malabile, souvent destructif, nous t'aimons tous. Tu n'es pas seule. Nous ne pouvons plus changer le passé mais l'avenir reste à écrire.
Je me noie dans ton silence. Tu n'es pas prêt petit Elfe, mais le temps qui passe creuse les fossés, il y a des impasses dont on ne sort plus. Pour s'aimer il faut être deux.
Si un jour tu veux, pas besoin de clé pour ouvrir, ma porte n'est jamais fermée.